un soupçon de bonheur

Ma chère fille,

Crois-moi, si je suis partie le lendemain de ta naissance, c'était pour le bien de tous, de toi, de moi, de ton père. C'était la meilleure solution. Tu sais, ce n'était pas parce que je ne t'aimais pas. Jamais je ne t'ai rencontrée, pourtant, tu as ta place dans mon cœur. Tu resteras toujours ma petite fille, même si maintenant tu as déjà vingt ans. Que le temps passe vite. Au fond, j'ai toujours été là, sans que tu me voies, sans que tu puisses me sentir. J'allais souvent dans le café en face de ton école primaire, je t'observais de loin, dans la cour, tu t'amusais. Tu me faisais sourire. Te rappelles-tu de la poupée que tu avais perdue et que tu avais retrouvée sur ton paillasson ? Et du billet d'avion pour les États-Unis le jour de tes douze ans ? Vois-tu que je ne t'ai pas oubliée ? Pas ignorée ? A l'époque, j'ai quitté ton père puisqu'il aimait une autre femme, une autre femme que moi, tu peux comprendre cela. Celle qui se fait passer pour ta vraie mère, n'est autre qu'une femme indigne de confiance, qui t'a menti pendant toutes ces années. Je t'écris une lettre chaque année à pâques. Apparemment, aucune n'est parvenue jusqu'à toi, ou peut-être l'as-tu déchirée avant de l'ouvrir, le facteur s'est trompé d'adresse. Cette fois-ci, j'espère qu'elle tombera enfin entre tes mains de jeune fille. Tu es si belle, tu es blonde, comme moi, tu me ressembles, oui. Ton père a gardé contact avec moi pendant les premières années, il m'envoyait tes photos, qui me suivent dorénavant partout où je vais, dans mon portefeuille. Ta mère adoptive, si je peux dire cela ainsi, n'est pas celle que tu crois. Essaie de la faire avouer. Un jour peut-être, nous nous rencontrerons, quand tu veux, je suis à Paris. A présent, je me suis remariée, je travaille dans une boulangerie près de Montmartre. Je sais, ce n'est pas le luxe auquel tu t'es habituée grâce à ton père. Le principal, c'est que tu sois heureuse, car moi, je le suis. Si un jour, tu veux me voir, tu sais dorénavant où me trouver, je serai à la boutique. Cela doit être difficile pour toi, je comprendrai si tu ne veux pas de moi. J'ai été absente si longtemps et je resurgis tout d'un coup. Tu as eu une autre mère, j'espère qu'elle a été bonne avec toi. C'est elle que tu dois considérer comme ta mère, elle t'a élevée, s'est occupée de toi pendant ton enfance. Les liens du cœur sont plus forts que ceux du sang. Je suis persuadée qu'elle tient beaucoup à toi, une si mignonne enfant. Déjà adulte. Pour moi, c'est simplement une terrible trahison qui m'a volée mon unique bébé, celle que j'aurais voulu chérir. Yseult, ce prénom vient de moi, je t'aime, ma petite fille. Prends soin de toi.

Cécile.