CAMILLE — kick the bucket

« personne ne m'aime » est alors sa phrase récurrente. Il vit seul avec son père, sa sœur vivant tranquillement à Londres avec son père. Il se dit qu'il aurait préféré vivre là bas, marcher sur les pas des Beatles et sentir cette odeur délicieusement humide et vivante qui a connu tant d'artistes.
Mais au lieu de ça, il vit avec sa mère, sa mère célibataire et pas du tout artiste, mais propriétaire d'un club connu de la capitale. Elle vit dans l'excès, dans la richesse et le bonheur artifice. Et lui, il ne comprend pas. Il ne comprend pas comment sa mère, si adulte, n'est qu'une enfant lorsqu'elle est dans ses bras. Il est dépassé.
Parce que Camille, c'est le petit dernier, et qu'il est toujours, toujours dépassé par les évènements. Le fait qu'il ai sauté une classe, le divorce brutal et violent de ses parents, et surtout, surtout ses premiers poils pubiens un peu précoces.

« grandis un peu » ou « reste » sont les phrases qui résonnent, résonnent et résonnent encore à ses oreilles. S'il est désormais majeur, il n'a pas grandit pour autant, et est surement aussi infantile que sa mère. Les études en journalisme culturel qu'il a soudainement arrêté en début de cursus ne l'ont pas aidé, et fréquenter le club maternel non plus. Il a été adolescent, et en a peut-être un peu trop profité : ses conquêtes s'enchaînent, comme le nombre de substances illicites qu'il a consommé ou les soirées un peu trop alcoolisées.
Malgré quelques aller-retour pour Londres, il est resté à paris, en prince de la cité. Il peut se permettre n'importe quoi, mais vivrait presque au jour le jour, en âme bohème qu'il est.
Pourtant il a été sage, au début : sa moyenne flambait celles des autres, son absence d'heures de colles ravissait les professeurs et il soutenait sa mère, même péniblement. Et puis, du jour au lendemain, tout a changé. Il est devenu ce qu'il détestait le plus : un adulte, dont le coeur restait tout de même celui d'un enfant. Il commençait à avoir des responsabilités, des devoirs. Il devait calmer cette ardeur de vivre, cette violence viscérale qui le hantait. La seule chose qu'il aimait dans cette histoire, c'est qu'il commençait à plaire.
Rien n'aurait pu mieux combler son bonheur. Enfin, il se sentait aimé. mais le puits qui s'était creusé durant son enfance était devenu sans fond : une seule âme aimante ne lui suffisait plus. Il était devenue un vampire à sentiments, au point d'en vomir toutes ses croyances, ses convictions.

Le compteur des trous noirs s'affole tant il en a à son actif. Il voudrait changer, mais reste dans cette spirale infernale. Il ne dit plus rien, oublie les mots que l'on lui susurre à l'oreille. Oublie ces filles, ces garçons qu'il a connu. il se cloitre chez lui, où seule sa colocataire est une âme mouvante, mais elle aussi silencieuse. Elle voudrait l'aider, il se refuse : lorsqu'il sort, c'est pour oublier qu'il est devenu pire que sa génitrice. Il s'amuse, retourne en enfance. C'est là qu'il redevient lui même, drôle, souriant et bourré d'énergie. Bourré.
Alors depuis quelques mois, il a décidé de travailler, poussé par son ange gardien de colocataire. Il retrouve ce qu'il aime : la musique. mieux, il compose, chante. Il serait presque heureux, si le fantôme de ses erreurs ne le hantait pas, quelques verres d'alcool bus en trop.
En plus, il perd tout le temps ses clefs.